Vous êtes auteur et réalisateur, pour la télévision et le cinéma, depuis plus de 20 ans. Quel a été votre parcours auparavant ? Qu’est-ce qui vous a amené dans ce domaine ?
Je suis parti un an aux USA après mon bac, envoyé par mes parents pour être bilingue. Puis j’ai fait Lettres Modernes à La Sorbonne, même si je n’ai jamais songé à être prof. En fait j’étais plus intéressé par ma première grande histoire d’amour que par mes études. En licence je me suis rendu compte que la fac en mènerait à rien pour moi, j’ai passé le concours d’entrée en 2ème année à Science-Po (une tannée pour faire plaisir à mon père)… beaucoup de travail car j’avais eu 3/20 en histoire au bac. Mon compagnon à l’époque, producteur de documentaires sur l’art, m’a conseillé de passer aussi celui de la FEMIS avec des arguments de choc : vu mon imagination parfois débordante, mon goût pour le farniente et la fête entrecoupés de moment où je me mettais à réviser toute la nuit, il m’a assuré que scénariste serait un métier parfait pour moi. Comparé à Science-Po, le concours était du pur plaisir. J’ai eu le choix entre les deux et ai donc préféré ce qui me demandait le moins d’effort contre-nature : inventer des histoires.

Vous avez écrit et réalisé « Grand départ », une comédie dramatique qui met en scène deux frères (Pio Marmai et Jérémie Elkaïm) en concurrence, confrontés à la folie neurodégénérative de leur père (Eddy Mitchell). D’où vous est venue l’idée du scénario ?
Elle m’est venue de ce que j’ai vécu avant la mort de mon père, de la même maladie décrite dans le film. Mais le côté autobiographique ne m’intéressait pas. Sauf pour des détails hilarants au milieu du drame (la scène du choix du cercueil, la vieille dame qui mange des carte postales à la maison de retraite etc.). En fait je trouvais le personnage de mon frère plus intéressant que moi, ce fils qui a tout fait comme il faut et a plus de problèmes que son frère aîné homo avec son père. J’ai trouvé la façon dont la maladie a permis à mon frère de se rapprocher de notre père avant sa mort très émouvante, et ai décidé d’adopter son point de vue pour le film. La fiction sert aussi à ça, sortir de sa propre histoire pour trouver un autre angle, un autre point de vue sur la réalité.

Il s’agit de votre première réalisation, qu’est-ce qui vous a incité à sauter le pas, votre carrière étant jusque-là consacrée à l’écriture ?
C’est mon travail de scénariste avec Anne Fontaine qui m’a décidé. J’ai adoré cette expérience avec elle, même si je me suis toujours senti plus proche de la télé. En l’observant, j’ai découvert beaucoup de choses, ou me suis rappelé des choses que j’avais étudiées à la FEMIS. Je crois surtout que je commençais un peu à m’ennuyer en tant que scénariste. J’avais fait à peu près tout ce qu’il est possible de faire dans ce domaine après le cinéma, en passant par la sitcom, d’access ou pour canal+, au soap à Sous le Soleil aux téléfilms, originaux ou adaptation, et bien sûr après avoir été un pionnier de la série contemporaine avec Clara Sheller. Et scénariste de cinéma m’a à la fois beaucoup plu, mais en même temps frustré. J’avais l’impression d’être un secrétaire de luxe, car au fond seul le réalisateur est le créateur. A la télé, c’est le scénariste de la série le créateur. J’ai voulu réaliser pour être plus fidèle à ce que je suis. Même si j’ai aimé mettre mon imaginaire au service d’une réalisatrice, je suis profondément trop libre et indépendant pour que ça me convienne parfaitement.

Quels souvenirs avez vous du tournage, avez-vous une anecdote à nous raconter ?
C’était à la fois très excitant et exténuant. Je crois qu’au bout d’un mois j’en avais marre de me lever le matin pour aller sur le plateau. J’ai construit ma vie pour rester en pyjama à travailler jusqu’à midi, donc quand le réveil sonnait, je me demandais vraiment ce qui m’avait pris. Par contre j’adorais tourner la nuit. Je me sentais décalé et dans mon élément. J’ai beaucoup aimé l’équipe aussi, tout en sentant que c’était très fort un peu comme pendant un amour de vacances en colo, très important sur le moment, mais qu’il ne resterait pas grand chose d’un point de vue humain après. J’ai beaucoup aimé le travail avec les acteurs aussi, tous différents, et à diriger chacun de façons différentes. Même le côté technique n’était pas si rébarbatif. A la Femis je me suis évanoui le premier jour de tournage de mon court métrage de première année. Là j’étais content d’avoir tenu le coup. Mais c’est un rôle beaucoup plus dur que celui de scénariste, où on peut se la couler douce tout en travaillant. Une combinaison pour laquelle je suis parfaitement programmé.

Y a-t-il des projets sur lesquels vous travaillez actuellement dont vous souhaiteriez nous parler ? Quels sont vos désirs pour l’avenir ?
L’année dernière je suis parti à New-York travailler avec Darren Star, le créateur de Sex and the City, Melrose place etc.… pour faire partie de la writer’s room de sa série Emily in Paris. C’était assez merveilleux, une expérience incroyable pour un auteur français (sans parler des conditions de travail hollywoodiennes) et ça m’a fait réaliser à quel point j’aimais profondément la série, et comme j’étais fait pour ça, avec un panel d’expériences si variées que peu de scénaristes ont en France. J’ai donc décidé de m’y remettre vraiment, en explorant d’autres formes de genre. J’ai donc fait beaucoup de développement et lancé plusieurs projets de série depuis. Je me suis aussi rendu compte, malgré ma très bonne entente avec Darren et ma participation active à l’élaboration des épisodes de la série, que la France est vraiment le pays où j’aime travailler. C’est plus difficile matériellement, car quand les américains entrent en écriture les budgets et moyens sont faramineux, surtout avec un show runner comme Darren, mais je trouve les contraintes parfois plus stimulantes. J’ai un esprit très libre et très français. Je suis revenu aux sources de qui je suis car je travaille en ce moment sur un projet de série sur le désordre amoureux, chez les 40-50 ans, dans la lignée de Clara Sheller mais avec des personnages plus adultes, et donc parfois encore plus décalés. La sexualité y tient une grande place, mais j’essaye d’éviter tous les écueils qui viennent souvent des états-unis, où les créateurs de série pensent que la liberté de ton vient du fait d’être cru et de parler de sexe de façon très technique, presque matérialiste. J’ai une autre conception de la chose. Au fond je n’aime que l’émotion, l’impertinence, la désinvolture et surtout l’élégance. Je n’ai aucun plan à long terme, car je veux rester libre d’aller là où sont mon mon plaisir et mon désirs. Avec l’entente développée au cours de ma carrière avec quelques producteurs à qui je reste fidèle et qui me soutiennent toujours à 100%, ce sont mes seuls moteurs professionnels.

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