Votre avez écrit le scénario de « Joséphine s’arrondit » (actuellement sur les écrans). C’est votre deuxième scénario de long-métrage cinéma, après celui de « Joséphine » (2013), comment êtes-vous arrivée sur cette aventure ? Quelles ont été les rencontres décisives ? Est-ce que la méthode de travail est différente qu’en TV ?

« Joséphine » correspond à mon passage de la télé au cinéma. En 2012 quand je rencontre Romain Rojtman, producteur chez UGC, c’est l’aboutissement d’un travail commun avec mon agent Lise Arif. À l’époque, je suis fatiguée – pour ne pas dire franchement usée – par l’ambiance et les méthodes de travail en télévision. Je ressens énormément de frustrations dans mon travail d’auteur et j’ai envie de m’exprimer avec davantage de liberté. Je me rends compte que j’ai perdu de vue les raisons pour lesquelles je voulais absolument écrire plus jeune. Je me demande aussi si je n’ai pas un peu abandonné de ma spontanéité et de ma personnalité à force de répondre aux exigences très lisses et convenues des chaînes.
Lise Arif m’organise alors plusieurs rencontres et m’encourage dans mes travaux personnels. Avec Romain Rojtman, c’est le coup de foudre professionnel. Un coup de foudre qui se confirme au fur et à mesure de notre collaboration. Je trouve enfin la confiance et la bienveillance que j’attendais. Je trouve surtout un producteur qui me demande sans cesse d’être toujours plus surprenante et inventive. Le projet a beau être une commande, UGC attend de moi que j’y mette ma personnalité, ma touche personnelle et mon style. C’est en cela que mon expérience en cinéma diffère profondément de celle en télé.

Marilou Berry a réalisé ce deuxième volet des aventures de Joséphine, elle co-signe avec vous les dialogues, comment s’est passé votre collaboration ? Êtes-vous à l’initiative du choix de Josiane Balasko pour jouer la mère du personnage interprété par Marilou Berry ?

Marilou est arrivée sur le projet après ma deuxième version dialoguée. Notre entente a été assez évidente ; il faut dire qu’elle possède – entre autres – trois qualités qui me paraissent essentielles pour bien travailler : une détermination sans borne, une grande force de travail et un égo suffisamment bien placé pour qu’on puisse débattre des idées avec humour et intelligence. Nous avons été très complémentaires pour traiter le sujet de la grossesse : elle a les angoisses / j’ai l’expérience ! Nous avons ri, beaucoup ; et nous avons bossé, énormément. L’idée de Josiane Balasko pour interpréter sa mère dans le film est venue d’elle. Elle ne pouvait venir que d’elle. Je me souviens que j’étais aux anges quand elle me l’a annoncé.

Parallèlement, vous écrivez toujours pour la TV, notamment pour la série de France 2 « Fais pa si, Fais pas ça ». Quel a été votre parcours jusque là ? Qu’est-ce qui vous a emmené dans ce domaine ? Avez-vous une anecdote à nous raconter sur vos débuts en tant que scénariste ?

Je venais de terminer l’écriture de « Joséphine s’arrondit » quand Guillaume Renouil et Gaëlle Cholet m’ont appelée pour prendre la direction de collection de « Fais Pas Ci Fais Pas Ça ». Je les connais tous les deux depuis plus de 10 ans. Nous avons quasiment démarré ensemble : eux dans la production ; moi dans le scénario. On s’est vu grandir et évoluer tous les trois, sans jamais se perdre de vue.
J’ai accepté leur proposition presque immédiatement parce qu’ils m’offraient eux aussi la liberté, la bienveillance et la confiance dont j’ai besoin pour travailler. Cette collaboration a été un bonheur sans nuage. Il y a un vrai sens du collectif sur « Fais Pas Ci Fais Pas Ça ». On accomplit en un temps record un travail de dingue, mais on rit, on s’amuse, on partage et surtout on peut suivre notre projet jusqu’au tournage, voire après le tournage, pendant le montage. C’est une série dans laquelle les auteurs trouvent toute leur place et se sentent impliqués jusqu’au bout. C’est rare et incroyablement précieux.
Si je me suis à ce point épanouie avec « Joséphine » ou « Fais Pas Ci Fais Pas Ça », c’est aussi parce que la comédie est mon domaine de prédilection. C’est là que je me sens à l’aise. C’est aussi sans doute le domaine d’écriture le plus difficile qui soit. Faire rire ou sourire, vaste programme ! Je pars du principe que la comédie est toujours un drame qui s’ignore. À mon sens le point de départ doit toujours pouvoir donner lieu à une tragédie. Le travail consiste à construire des personnages qui vont faire autre chose de ce drame en puissance : le refuser, le détourner, trouver le moyen de le transformer, rire de ce qui pourrait les tuer. La comédie c’est souvent de la survie !
Par chance, je n’ai pas eu besoin de sortir mon kit de survie pour exister dans mon métier. Je suis devenue scénariste très tôt dans mon enfance lorsque j’ai compris que ma mère adorait que je lui raconte mes rêves le matin. Alors quand je n’avais pas de souvenirs de mes aventures nocturnes, j’ai commencé à inventer… J’ai dû inventer des centaines de rêves, tous les jours au petit déjeuner. Ils sont devenus de plus en plus construits, de plus en plus élaborés. Je me suis mise ensuite à les écrire et mes petites inventions du matin se sont transformées en vocation.

Vous travaillez souvent en duo, quelles sont les avantages et/ou les difficultés au travail d’équipe ?

Tout au long de mon parcours j’ai alterné l’écriture en solitaire ou en duo, et plus récemment en équipe. J’aime autant ma solitude sur certains projets que la collectivité sur d’autres. J’ai de bonnes comme de moins bonnes expériences.
J’aime par dessus tout travailler en binôme avec le réalisateur ou la réalisatrice. Il y a une complémentarité très forte parce que chacun a des registres de compétence différents. Quand l’un a le sens du rythme et de l’efficacité l’autre a plus facilement le sens du dialogue ou de la situation.
Dans le cadre d’une série, pour qu’un travail d’équipe entre scénaristes marche, je pense qu’il faut absolument une hiérarchie. Il faut un « chef », « un « Dir Coll », quelqu’un qui sent les bonnes idées, peut orienter les débats, sait trancher et assure une unité au projet.
Cette hiérarchie ne me paraît pas forcément obligatoire dans le cadre d’une écriture en duo pour un unitaire que ce soit en télévision ou au cinéma. Mais il est par contre essentiel d’avoir une relation très complice et des égos faciles à dompter ! Un duo de scénaristes, c’est un peu une histoire de couple : on connaît les qualités et les défauts de chacun. On fait avec en essayant de regarder dans la même direction… Pas facile tous les jours mais définitivement passionnant !
Comme je bénéficie aujourd’hui du luxe de choisir mes projets, j’alterne les écritures en solitaire, en duo ou en équipe selon mes besoins. Sans compter qu’il y a les projets sur lesquels on a résolument besoin d’être seul et ceux sur lesquels on a besoin d’être à plusieurs.

Quels sont vos prochains projets ?

Comme la fidélité est un concept qui me plaît bien, je continue avec les mêmes : j’écris en équipe avec Diane Clavier et Judith Havas la suite de « Fais Pas Ci Fais Pas Ça ». Nous avons en charge l’écriture des épisodes 1 et 2 de la saison 9 qui sera diffusée l’année prochaine. J’écris également en solitaire une comédie pour UGC, mais avec Yves Marmion comme producteur cette fois.

Plus d’infos sur Samantha Mazeras :
http://www.agencelisearif.fr/auteur-realisateur/samantha-mazeras/