Vous êtes auteur de romans et écrivez pour le théâtre, le cinéma et la télévision depuis une quinzaine d’années, quel a été votre parcours auparavant ? Qu’est-ce qui vous a emmené dans ce domaine ?

J’ai suivi une formation de comédienne de trois ans au cours Jean Périmony. Puis j’ai été comédienne.
Un jour, j’ai répondu par hasard à une annonce de stage d’écriture. Je ne comprends toujours pas très bien par quel bizarrerie je m’y suis inscrite ni quelles forces obscures m’y ont poussée. J’étais enceinte de plus de quatre mois à l’époque, je me demande sincèrement si les hormones n’ont pas levé une inhibition. J’en suis même convaincue en réalité.

Vous avez avez notamment co-écrit l’adaptation de votre livre « Du Vent dans Mes Mollets » pour le cinéma. Quels souvenirs gardez-vous de cette expérience ? Et quelles ont été les rencontres décisives dans ce projet ?

Des rencontres décisives sans lesquelles Antoine Rein et Fabrice Goldstein n’auraient pas eu Du vent dans mes mollets entre les mains, je dirais qu’il y en a eu deux : Delphine Bouix (qui est une amie et devenue productrice) qui m’a tannée suite à mon roman qu’elle avait dévoré pour que je rencontre Lise Arif. Je dis « m’a tannée » parce que je ne me sentais pas légitime en tant que scénariste et pour cause, ce n’était pas mon métier, et que par conséquent je n’avais pas ma place chez un agent de scénaristes. Il y a eu ensuite Lise Arif qui après avoir lu mon livre grâce à Delphine, a voulu me représenter, car l’idée de Lise est que si on a un ton, une plume, une maîtrise des personnages, on peut se marier à un scénariste et pondre un scénario à quatre mains. Lise est une excellente marieuse et ce qui lui plait avant tout, c’est vraiment de dénicher des auteurs, de les développer ensuite. Elle ne s’arrête pas à la gestion des intérêts de ses auteurs.

Pour la suite, les versions divergent : Fabrice Goldstein (un des deux producteurs du film avec Antoine Rein) me dit qu’il a vu le bouquin sur le bureau de Lise et qu’il lui a emprunté, et moi je pensais que Lise le lui avait donné. Il faudrait les interroger pour les départager !

Antoine et Fabrice ont souhaité en faire une adaptation. J’ai à nouveau été réticente car j’avais quand même derrière moi le spectacle (c’était d’abord une pièce) que je jouais depuis des années, puis le bouquin, puis la BD, j’avais peur de la déclinaison de trop et pour être honnête, j’avais envie de passer à autre chose, d’autant que les enfants au cinéma ne m’ont jamais convaincue, j’avais peur que ce soit mièvre.

Mais j’ai fait des mois plus tard la rencontre de Carine Tardieu totalement par hasard lors d’un salon du livre. Nous étions côte à côte au dîner, elle avait lu la BD, avait beaucoup aimé et m’a proposé de l’adapter. Ça faisait beaucoup de signes car Antoine et Fabrice avaient déjà évoqué son nom auparavant et je n’avais pas vraiment relevé. À partir de là, la ténacité de Carine a payé, elle ne m’a pas lâchée, elle tenait absolument à ce que nous l’adaptions. J’ai dit oui, et là, ça a été cent pour cent ludique, prenant, poilant, excitant. On a tout jeté, tout reconstruit. Ça ne m’a posé aucun problème puisque je voulais du renouveau, surtout pas une ennuyeuse resucée. J’en garde le souvenir d’interminables cafés avec Carine au cours desquelles nous mélangions nos vies, confondions nos souvenirs. Je ne sais pas pourquoi je me souviens d’une journée particulière pendant laquelle nous avions décidé, suite à une fructueuse consultation, d’étoffer le personnage de Denis Podalydès. Je nous revois, Carine et moi, face à face, chacune à son ordi, pondant scènes dialoguées sur scènes dialoguées, les échangeant, rebondissant, je crois que je n’avais jamais été aussi rapide et prolixe parce qu’il en est sorti des scènes dont on nous a souvent parlé. On ne réfléchissait pas, on fonçait, avec je crois l’envie pour chacune d’épater l’autre non pas dans la rivalité mais dans une démarche vraiment ludique.

Continuez vous en parallèle à travailler pour le théâtre ? Pouvez-nous en dire un peu plus sur votre démarche ? Est-il facile de combiner vos trois activités (roman, ciné/tv, théâtre) ? Se rejoignent-elles sur certains points ?

Oui ! Je viens d’écrire une pièce (La fossette Bleue) que j’ai jouée à Avignon cette année, mise en scène par Catherine Schaub. Nous sommes trois personnages, je l’ai écrite vraiment pour nous trois (Bruno Gouery, Alban Aumard et moi-même). Ça me manquait le théâtre, ça me manquait de jouer, ça me manquait aussi cette façon un peu plus artisanale de monter des projets. Lorsque vous écrivez une pièce ou un bouquin, certes il y a l’éditeur ou le producteur, mais l’enjeu financier n’étant pas le même, la liberté est plus grande car les interlocuteurs sont moins nombreux. Par ailleurs, au cinéma, vous ne pouvez pas écrire un film sur mesure pour trois comédiens inconnus. Même s’ils sont excellents, le film aura du mal à se monter. Au théâtre, il reste encore un peu de place pour les inconnus. J’avais besoin de ça, je viens de là.

Pour ce qui est de la combinaison de mes activités, elle m’est indispensable car l’une alimente l’autre. On a besoin de laisser reposer des choses, d’en commencer d’autres qui vont enrichir sans que vous vous en aperceviez les précédentes. C’est un jonglage très agréable. Les trois supports se complètent. L’écriture de scénarios m’a permis de progresser dans la dramaturgique en théâtrale (et ce n’était pas mon point fort, ça ne l’est toujours pas, je vous rassure, j’ai juste progressé), en tant que comédienne, les questions que je me pose sur les personnages et les choix d’interprétation m’ont appris à écrire des personnages noir sur blanc, à penser à leurs contradictions, leurs enjeux, bref, des questions que l’on se pose lorsqu’on est sur scène, mais que les auteurs purs peuvent oublier de se poser, ou avec peut être moins de précision, moins de souci d’incarnation. Quant au roman, c’est mon plus grand espace de liberté, j’avoue, car c’est une écriture qui vous autorise à étirer les choses et à entrer dans une multitude de détails et de petites choses. Et pour moi, tirer un petit détail ou une petite chose sur dix pages, c’est vraiment le truc le plus ludique et savoureux qui soit. Bref, il y a une transversalité dans ces activités qui ne me donne pas l’impression de faire quatre métiers différents.

Vous travaillez souvent en duo sur vos scénarios, quelles sont les avantages et/ou les difficultés au travail d’équipe ?

Honnêtement, je n’y vois pour ma part que des avantages. À condition de tomber sur le bon, la bonne, bref, de faire un bon binôme. Dès lors que vous êtes sensibles aux mêmes choses, dès lors que vous savez écouter l’autre avant de manifester un éventuel désaccord, dès lors que vous avez conscience de ce que l’autre peut vous apporter et que vous n’avez pas, dès lors que vous n’écrivez pas uniquement dans le but de réaliser en vous mettant de terribles dead lines partout et en oubliant donc de prendre du plaisir, de laisser maturer, c’est vraiment gagné. Et pour ma part, j’ai la très nette impression que plus le temps passe, plus les choses s’affinent, plus je me retrouve à bosser avec des gens qui me sont familiers, dont le positionnement est proche du mien.

Y a-t-il d’autres projets sur lesquels vous travaillez actuellement ? Quels sont vos désirs pour l’avenir ?

Je travaille sur plusieurs projets actuellement notamment sur une très libre adaptation à quatre mains, aux côtés de Jean Luc Gaget, de ma pièce « La fossette bleue » au cinéma chez Kare Production. Pour ce qui est de mes désirs pour l’avenir, vous touchez un point sensible : je n’ai aucune capacité de projection. Peut-être que je ne me projette jamais pour ne jamais être déçue…

Plus d’infos sur Raphaële Moussafir :
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