Frédéric Azémar, vous avez commencé à travailler en tant que scénariste il y a une dizaine d’années sur « Paris, enquêtes criminelles » pour TF1. Quel est votre parcours ?

Le scénario est venu très tard. J’ai toujours voulu écrire, et j’ai grandi avec les séries, mais je ne savais pas qu’il y avait un marché du scénario, que c’était un vrai métier. Je pensais vraiment qu’il devait exister une petite poignée de scénaristes qui écrivaient tout ce qu’on voyait à l’écran. Mon univers à moi c’était surtout le roman. Mais je savais que je ne gagnerais pas ma vie en écrivant des livres, donc j’ai fait des études assez longues en me disant que l’écriture serait un à-côté.
Et puis, pendant ma dernière année d’études, j’ai pas mal traîné dans des boîtes d’animation, ayant des amis qui avaient déjà commencé à y travailler comme animateurs, réalisateurs, etc. J’ai rencontré des producteurs qui m’ont fait comprendre qu’ils cherchaient en permanence de nouveaux scénaristes. Et je me suis dit que ce serait un bon moyen de commencer à apprendre à écrire, tout en gagant un peu d’argent.
Là où les choses ont pris une tournure intéressante, c’est quand j’ai rencontré Robin Barataud sur un site consacré au scénario. Je ne savais pas qui c’était, et moi je n’étais personne, mais il a lu des choses que j’ai écrites et m’a conseillé de lâcher l’anim pour le prime. Comme je ne connaissais absolument rien ni personne en télé, il m’a mis en contactavec son agent, Lise Arif. Elle est devenue mon agent et l’est restée depuis.

En moins de 10 ans, vous avez créé six séries et travaillé sur trois autres – certaines pour l’international -, vous êtes très productif! Quelle est votre méthode de travail ? Et quelles ont été les rencontres décisives dans votre carrière ?

Attention, je n’ai créé que trois séries: Odysseus, Intrusion avec Quoc Dang Tran et Florent Meyer, et Molusco/Boyster avec Fabien Limousin et Emmanuelle Fleury. Les autres sont en développement, à des stades divers, mais j’ai du mal à prétendre avoir créé une série qui n’existe pas encore! Je n’ai pas vraiment de méthode de travail… Je suis mes envies. Je suis quelqu’un de très curieux, tout m’intéresse potentiellement, et dès que j’ai envie de mieux connaître une « arène », je me plonge dedans. Et quand cette arène rencontre un propos et un personnage, je sais que je tiens une série. Ensuite je la développe, seul ou avec un producteur de confiance, et je fais comme tout le monde, je tente ma chance. Pour le moment je n’ai pas trop à me plaindre: toutes les séries que j’ai conçues ont intéressé suffisamment de monde pour ne pas rester dans mon tiroir. Et si je développe pour l’international certains projets, c’est dans la même logique de suivre mes envies: j’ai grandi avec les séries américaines, elles constituent qui je suis aujourd’hui, et c’est un de mes rêves que de pouvoir, un jour, travailler aux Etats-Unis. C’est l’expérience que j’ai tentée avec Haute Couture et Aurélie Meimon chez Mademoiselle Films: concevoir une série et en écrire le pilote en anglais. L’accueil est plutôt bon donc, quel que soit l’avenir de Haute Couture, je retenterai l’expérience.

Vous pouvez nous en dire plus sur « Haute Couture » ?

La série a été achetée par The Mark Gordon Company, qui a produit notamment Grey’s Anatomy, Ray Donovan, Quantico, Criminal Minds, etc. Un scénariste américain a été choisi pour faire une v2 du pilote. Je sais que le producteur et le scénariste aiment beaucoup la série et tiennent à rester fidèle à ma vision originelle. Je suis plutôt en confiance. Une fois que cette v2 sera écrite, le pilote partira dans les chaînes, chez les réalisateurs qui intéressent le producteur, et certains comédiens. Si jamais une chaîne est intéressée, on partira en écriture. Croisons les doigts!

En plus de votre activité de scénariste, vous enseignez la création de série à la FEMIS et au CEEA et vous intervenez en tant que consultant. Qu’est-ce que ça vous apporte ?

Enseignez ou faire oeuvre de consultant, c’est d’abord transmettre ce que j’apprends. C’est important pour moi, c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles, avec quelques autres scénariste, nous avons créé le SAS: développer un langage commun, s’améliorer et transmettre. Avant d’enseigner, je n’imaginais pas à quel point ça alimenterait mon propre travail: le fait de tenter de formuler clairement les étapes à suivre, ou en tout cas quel est le cheminement de ma réflexion quand je conçois une série, m’aide énormément à être plus précis et plus efficace quand je travaille sur mes propres projets.

En ce qui concerne la consultation, à quel moment de la création intervenez-vous? Travaillez-vous sur tous les types de projets?

J’interviens à tous les stades et sur tous les types de projets. Il faut bien se dire une chose: l’écriture, c’est l’écriture, la dramaturgie c’est la dramaturgie. Alors oui, chaque genre a sa spécificité, mais quelqu’un qui comprend un minimum les impératifs de la dramaturgie peut appliquer son regard à n’importe quel projet. Les questions à se poser sont les mêmes: quelle est la promesse de la série? le personnage principal est-il fascinant? porte-t-il une vision du monde, cohérente avec le propos de la série? et d’ailleurs, quel est le propos de la série? Est-ce que chacun des éléments posés (personnage, arène, intrigue, etc) servent-ils les intentions originelles de l’auteur? Ensuite, quand je rentre dans des choses plus précises, comme les scènes, l’enchaînement des scènes, il y a tout un arsenal d’outils pour répondre aux problèmes techniques à résoudre. Mais, avant tout, le travail de consultation tel que je le conçois c’est un travail de re-conceptualisation pour faire en sorte que tout soit cohérent, implacable. Qu’il y ait un vrai propos, et pas juste un propos intellectuel, mais un propos humain, quelque chose sur l’être humains et les relations entre les êtres humains. Pour répondre plus précisément à votre question, je peux intervenir très tôt dans le processus, au niveau d’un pitch ou d’une bible, comme très tard, en travaillant à partir de textes déjà écrits: séquenciers, dialogués, etc. Evidemment, dans un cas ou dans l’autre ce n’est pas exactement la même charge de travail…

Frédéric Azémar, merci.

Merci à vous.

Plus d’infos sur Frédéric Azémar :
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