Vous êtes auteur depuis une quinzaine d’années environ et avez écrit une vingtaine de téléfilms et/ou épisodes de série, quel a été votre parcours auparavant ? Qu’est-ce qui vous a amenée dans ce domaine ?
J’ai d’abord fait des études de lettres avant d’entrer à la FEMIS en réalisation. Après l’école, j’ai coréalisé (avec Valérie Denesle) et réalisé des documentaires (Nous venons d’ailleurs de coréaliser, 20 ans après le premier film, la suite de l’un d’eux pour ARTE). J’adore le documentaire mais écrire m’intéressait aussi depuis toujours et un jour, j’ai passé des essais pour une série, et c’est comme ça que j’ai débuté dans le métier de scénariste.
Le 18 mai dernier est sorti le film « Le Voyage de Fanny » réalisé par Lola Doillon et dont vous avez signé le scénario, comment êtes-vous arrivée sur cette aventure ? Quelles ont été les rencontres décisives dans ce projet ? Est-ce que la méthode de travail est différente de celle de la TV ?
Deux amis, Agathe Robilliard et Stéphane Foenkinos, ont donné mon nom à Lola Doillon qui cherchait un(e) scénariste. Nous nous sommes rencontrées, Saga Blanchard, une des productrices du film, Lola et moi. Entretemps j’avais lu le livre de Fanny Ben-Ami, et ce qui m’avait intéressée, c’était bien sûr le contraste entre l’innocence des enfants (différente selon les âges évidemment) et cette époque, une des plus sombres de l’Histoire. Notre discussion a tourné autour de cette opposition, et puis Lola m’a rappelée et on a travaillé ensemble. Lola tenait en effet à une histoire vue « à hauteur d’enfant » et je crois que nous nous sommes retrouvées à cet endroit.
Ce qui m’a semblé différent du travail pour la télévision, ce sont deux choses essentiellement : le temps d’abord. J’ai vraiment vécu une année entière avec ces personnages et dans ce contexte historique. On est immergé et pendant plusieurs mois, on ne pense qu’à ça, et tout nourrit ce travail.
La deuxième différence notable, c’est le fait d’écrire pour quelqu’un. En télévision, on écrit souvent « loin » du réalisateur ou de la réalisatrice.
Enfin, chacune dans son rôle, les productrices Saga Blanchard et Marie de Lussigny, Lola Doillon et moi, travaillions en « petit comité ». Il y avait une proximité et une souplesse dans le travail, une facilité et une rapidité d’échange et de décision que j’ai beaucoup appréciées.
Lola Doillon a co-écrit avec vous le scénario, comment s’est passée votre collaboration ? Quels sont les avantages et/ou les difficultés au travail d’équipe ?
Notre collaboration s’est passée en deux temps principaux. On a d’abord beaucoup discuté avec Lola parce qu’il me fallait comprendre ce qui l’intéressait dans le sujet, ce dont elle avait envie, au contraire ce dont elle ne voulait pas, et aussi trouver l’endroit depuis lequel je pourrais raconter cette histoire. Je veux dire, trouver le moyen de m’approprier aussi cette histoire, car si évidemment j’écrivais pour Lola, il faut que l’histoire résonne en soi pour l’écrire. Lola m’a recommandé beaucoup de livres, de films, qui ont nourri ma réflexion et mon imaginaire et m’ont emmenée vers d’autres. Les livres de témoignages, de récits m’ont servi à « vivre » dans ce contexte, et à imaginer certains personnages. Et puis un moment donné, quand j’ai vu comment je pouvais « attraper » l’histoire, par quel bout la prendre, je me suis mise à écrire. Nous avions déjà décidé ensemble de simplifier les pérégrinations de Fanny et ses sœurs, qui ont été plus compliquées dans la réalité, afin de nous concentrer sur l’essentiel, leurs sensations et sentiments.
Lola et les productrices réagissaient bien sûr à chaque étape d’écriture, on en discutait et je retravaillais. Ainsi par exemple, c’est Lola qui a eu envie de cette apparente dureté de Mme Forman, qui était moins sévère au début de l’écriture. Ça marche très bien, je crois. On sent la détermination de cette femme à élever, à éduquer ces enfants, comme un défi à l’entreprise d’élimination des Nazis.
Sur la fin de l’écriture, on a fait du ping-pong sur certaines scènes et Lola en a aussi ajouté quelques-unes.
Le film est adapté du livre de Fanny Ben-Ami, avez-vous travaillé en collaboration avec l’auteur et/ou l’éditeur de ce dernier ?
Non, la première fois que j’ai rencontré Fanny Ben-Ami, c’était le soir de l’avant-première. Si Fanny Ben-Ami avait tenu à participer à l’écriture ou à la suivre de près, évidemment il se serait agi d’autre chose. Puisque ce n’était pas le cas, qu’elle avait laissé entière liberté à Lola, ne pas la rencontrer plus tôt m’a sans doute laissé plus de liberté.
Plus d’infos sur Anne Peyregne :
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