Nicolas Mercier, vous êtes scénariste et réalisateur pour la télévision et le cinéma. Vous avez notamment co-écrit les deux épisodes pilotes de la série Dix pour cent, ainsi que son épisode final (l’épisode 6 de la 4e saison consacré à Jean Reno, qui sera diffusé mercredi 4 novembre sur France 2). Comment êtes-vous arrivé sur cette série ?

C’est Dominique Besnéhard qui m’a contacté il y a longtemps pour mettre en place la série initialement prévue pour Canal +, et écrire deux pilotes. Lorsqu’elle est arrivée sur France 2, j’avais commencé à travailler pour le cinéma pour Anne Fontaine, et je m’apprêtais à tourner mon propre film, donc je n’avais pas vraiment le temps de m’y consacrer. J’avais présenté Dominique Besnéhard à Harold Valentin qui est rentré dans la boucle pour la produire avec lui.

Vous avez donc participé à l’écriture du premier et du dernier épisode de cette série, est-ce un hasard ou bien était-ce important pour vous de clôturer une série que vous aviez initiée ?
Je n’ai pas vraiment co-écrit les deux premiers épisodes. J’avais écrit les deux premiers pilotes pour Canal+, et quand je suis parti tourner mon film, je les ai laissés à l’équipe d’auteurs pour les adapter au service public… En gros, pour Canal+ les personnages ne prenaient pas assez de coke, et pour France 2 ils en prenaient trop. Il y a eu un gros travail d’adaptation du projet initial pour arriver à la série actuelle, et beaucoup de gens ont travaillé sur chaque épisode. Pour le dernier épisode, il y a eu un problème avec le texte initialement prévu, et Harold et Dominique ont alors fait appel à moi pour l’écrire au dernier moment. J’ai eu très peu de temps pour le faire, une vingtaine de jours, car le tournage était déjà commencé, et il y avait pas mal de contraintes de décors. Mais c’était un challenge très excitant à relever, et l’idée d’ouvrir et de clore la série m’amusait beaucoup. Je trouvais ça en plus assez beau.

Avez-vous abordé l’écriture de ces épisodes de la même manière ? Votre processus d’écriture pour ces épisodes était-il le même ?
Non pas du tout. Pour la fin j’arrivais dans une série très en place, avec ses codes, auxquels j’ai du m’adapter. Je n’avais pas fait ça depuis très longtemps mais c’était très agréable, et j’étais heureux de relever le défi. J’étais obligé de suivre les arches déjà tracées, mais en gros on m’a laissé la liberté de les clore comme je voulais… Même si l’Agence était assez mal en point, donc au fond je n’avais pas non plus une marge de manœuvre énorme… Jusqu’au dernier moment il y a eu incertitude sur le guest, donc c’était assez particulier. J’ai préféré une sorte de mise en abîme naturelle, où la fin est le sujet, plutôt que relancer la machine artificiellement. D’où le ton un peu nostalgique et émotionnel du dernier épisode.

Vous avez également participé à l’écriture de la série Emily in Paris, diffusée depuis octobre sur Netflix. Vous faisiez partie de la writer’s room de Darren Star. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre rôle de consultant sur la série et sur cette expérience assez inédite pour un auteur français ?

C’était une expérience complètement dingue, qui m’a donné un aperçu assez précis de la différence de travail entre les français et les américains. Une différence de moyens déjà. Quand je suis arrivé dans la writer’s room à New-York, la série était déjà entièrement financée, avec juste quelques épisodes. Il a suffit que Darren lance l’idée pour que des millions de financement tombent je crois. Le travail était intense, 10h-18h, 5 jours par semaine sans pause repas, déjeuner dans la salle en travaillant, mais dans un environnement de confort et de luxe très américain. Je devais au départ rester deux semaines, mais Darren a prolongé mon séjour car même si je n’écrivais pas, je participais beaucoup à l’élaboration des épisodes et des idées de la série, tout en anglais, c’était vraiment fun. Je lui ai très vite fait remarquer que les clichés s’empilaient dans la série, et parfois même assez datés (plus personne ne fume dans les bureaux en France etc.), mais il assumait complètement de faire des choix par rapport au public : donner aux spectateurs tous les clichés qu’ils attendent sur la France et les français. En fait, même si je trouve la série assez marrante, une sorte chewing gum qu’on mâche et dont il ne reste pas grand chose une fois qu’on l’a recraché, on sent que la France et Paris fascinent toujours autant les américains, mais qu’ils sont incapables de les saisir vraiment dans leurs œuvres. Même Woody Allen s’y est cassé les dents. En ce qui concerne le travail, l’énorme différence est que ni diffuseur ni producteurs n’avaient vraiment leur mot à dire. Un show runner comme Darren est une star (sans jeu de mot), et c’est lui qui manœuvre. Le fait que Lily Collins était déjà été castée avant même l’écriture a aussi donné l’orientation du show. Star énorme chez les moins de 25 ans, la série était donc prévue comme hyper girly, glamour, et très jeune, en fait déjà très markettée. L’équipe de New-York était un peu folle et très créative (il y avait Ali Wailer qui a travaillé sur Love produite par Jude Appatow), et tout le monde venait de Los Angeles. Pendant le travail à New-York, toutes les bases de la série ont été posées, et tous les épisodes esquissés structurellement. Après la matrice créative, des auteurs qui travaillent beaucoup avec Darren, ses petits soldats d’écriture, ont tout repris et fait un boulot de story editing assez époustouflant. En gros, les américains mettent 4 mois à écrire une saison de 10 épisodes. Le format de 30 minutes aide, mais quand même, c’est très rapide comparé à la France. Travailler avec Darren, sans jamais avoir sur le dos ni chaine ni producteur, est très agréable, et malgré l’intensité du travail fourni, on s’amuse énormément. Mais Darren est très américain, car tout en étant adorable, c’est un homme d’affaire redoutable, obsédé par la jeunesse et le succès. Au final, cette expérience m’a fait réaliser à quel point j’aimais travailler en France, et travailler à New-York m’a fait aimer encore plus Paris. Nous avons beaucoup moins de moyens, mais on attache encore une certaine valeur à l’originalité et aux idées. Ce sont des choses que j’ai toujours eu envie de défendre, contre le marketing qui envahit peu à peu tous les domaines de créativité.

Avez-vous des projets en cours dont vous souhaiteriez nous parler ?

Après avoir exploré beaucoup de formats et beaucoup de genre, je travaille en ce moment sur plusieurs projets de série pour la télé, car c’est au fond ce que je préfère. Dans la série que je suis en train d’écrire, il y a un épisode sur une américaine noire de 45 ans qui revient vivre à Paris après son divorce. C’est un personnage plus âgé et plus réel que Lily Collins (mais ça ce n’est pas très dur), mais qui fait autant de selfies. Et j’aimais bien l’idée de traiter le même thème qu’Emily du côté français, et montrer qu’on peut quand même décrire Paris comme une ville romantique, sans forcément en faire un carte postale.

Merci !

Plus d’infos sur Nicolas Mercier : http://www.agencelisearif.fr/quatrieme-saison-de-dix-pour-cent-sur-france-2/

Plus d’infos sur la saison 4 de Dix pour cent : http://www.agencelisearif.fr/quatrieme-saison-de-dix-pour-cent-sur-france-2/

L’interview 1 de Nicolas Mercier : http://www.agencelisearif.fr/interview-de-nicolas-mercier/