Vous êtes auteur pour la télévision depuis une dizaine d’années, vous avez notamment travaillé sur les séries « Dix pour cent », « Fais pas ci, fais pas ça » ou encore « Section de recherches », quel avait été votre parcours auparavant ?

J’ai toujours écrit pour gagner ma vie. J’ai commencé par être concepteur rédacteur, la publicité étant une passion d’enfance. Mais la réalité du métier m’a fait fuir très, très vite. Je me suis réorienté vers la presse, sans avoir fait d’école de journalisme. J’ai été pigiste pendant quelques années, sur des sujets aussi différents que le cinéma, la télé, la cuisine, l’éducation… j’ai même écrit des articles érotiques ! En parallèle, je suis devenu lecteur de scénarios cinéma pour des boîtes de production et des chaines de télé… C’est à ce moment là que l’envie d’écrire de la fiction est devenue plus pressante.

Qu’est-ce qui vous a emmené dans ce domaine ? Quelles ont été les rencontres décisives dans le développement de votre carrière ?

C’est en lisant les histoires des autres que j’ai eu envie d’écrire les miennes. Je me suis d’abord naturellement tourné vers le cinéma : j’ai suivi des formations courtes, écrit des projets de courts et longs métrages… qui n’ont jamais vu le jour. J’ai fait mes premières armes en animation télé, genre que je ne connaissais pas du tout. Et puis un jour, Laure de Colbert, qui était directrice littéraire chez Marathon, a lu l’un de mes scénarios de long métrage, qui était devenu une carte de visite. Elle m’a proposé d’intégrer l’atelier séquenciers d’un nouveau feuilleton télévisé quotidien, « Cinq Sœurs ». J’y suis resté jusqu’au dernier épisode. Nous travaillions en writers’ room et j’ai rencontré ainsi de nombreux scénaristes, dont Carine Hazan avec qui j’ai développé « (La) Nouvelle Maud », une saga France 3 qui a connu deux saisons. Mais la rencontre la plus décisive, orchestrée par mon agent Lise Arif, fut celle avec Solen Roy-Pagenault. Nous avons conçu ensemble un projet de saga, avec Caroline Lassa comme productrice. Quelques hauts et bas plus tard, je les retrouvais toutes les deux pour la saison 3 de « Candice Renoir ». Du polar, de la comédie, des personnages forts, le tout sous le soleil de l’Hérault, que je connaissais bien, ayant toute ma famille à Montpellier… ça a tout de suite collé entre la série et moi. Si bien qu’au départ de Solen, qui était la créatrice et la showrunner historique de « Candice », Caroline me proposa de reprendre sa place.

Pendant trois saisons, vous avez assuré la production artistique, la direction de collection, les arches narratives et le lissage des dialogues de la série « Candice Renoir » dont le succès n’est plus à démentir. Comment portiez-vous cette responsabilité ?

D’abord pour la saison 5, je l’ai partagée avec Agathe Robilliard. C’était très utile d’être à deux pour apprendre ce métier de showrunner, encore très récent en France. Agathe m’a notamment aidé à appréhender la fonction direction de collection, qu’elle connaissait bien, le travail avec les auteurs, comment les aider, les aiguiller, tirer le meilleur d’eux mêmes, tout en gardant une ligne éditoriale claire. Pour ce qui est de la production artistique, m’étant rendu sur le tournage à de nombreuses reprises, l’équipe me connaissait déjà. L’intégration s’est très bien passée, sans doute aussi parce que j’avais l’habitude de venir, à chaque visite ou presque, avec un pain de Gênes, une spécialité familiale ! Je me suis tout de suite senti à l’aise sur un plateau comme dans une salle de montage ou de mixage.

Comment s’organise l’écriture complète d’une saison ? Qu’est-ce qui vous motive le plus dans cette expérience ?

« Candice Renoir » est une machine infernale. Il faut livrer 10 épisodes par an, à des dates très précises et pour cela il faut être extrêmement organisé. Il y a d’abord l’écriture des arches, qui donne la couleur de la saison et l’évolution des personnages. C’est un document de « bonnes intentions » qui est souvent amené à évoluer, en fonction des idées des auteurs, des désirs des acteurs, des aléas de la production.. et puis parfois on trouve tout simplement de meilleures idées en cours de route. Ensuite, on écrit les épisodes par bloc de tournage, soit deux ou trois à chaque fois. L’idée c’est de toujours anticiper l’écriture longtemps à l’avance, mais c’est difficile, ça reste organique, imprévisible. Il faut être organisé, control freak, et en même temps être hyper ouvert à tout, à tout moment. Comme je dis toujours, couche après couche, le scénario fait mouche. Le plus important, c’est de savoir où l’on va, notamment au niveau des personnages, pour pouvoir défendre leur évolution auprès de la chaine, des réalisateurs, des acteurs… L’écriture est la base de tout dans une série. C’est ce qu’il y a de plus difficile à faire. C’est une joie mais c’est une souffrance ! L’écriture se fait aussi sur le plateau, au montage, à la post production. C’est pour ça qu’il est primordial d’avoir un auteur à toutes les étapes. Qui d’autre le scénariste connaît mieux l’histoire et les personnages d’un épisode ? Pour qu’une série soit réussie, il faut un auteur impliqué à toutes les étapes de la fabrication.

La série a été récompensée à de nombreuses reprises ? Quel est votre meilleur souvenir ?

J’ai fait tous les festivals où Candice était sélectionnée, j’en ai fait des kilomètres, jusqu’en Chine ! A chaque fois j’y croyais, à chaque fois on perdait. Je suis spécialiste du « sourire du perdant ». Et puis, l’an dernier, on a eu le prix de la meilleure série drama au festival international de Séoul et ce face à plusieurs autres séries du monde entier dont « The Good Doctor ». Un grand souvenir ! On vient tout juste de gagner le Prix polar de la meilleure série policière pour l’ensemble de la saison 6, une belle récompense collective. Mais le meilleur souvenir reste toutefois le festival de Luchon 2019. C’était pour un épisode qu’on avait commencé à imaginer, Fabienne Facco et moi, un an plus tôt sur place, lors du précédent festival (où nous avions perdu bien évidemment). Durant la cérémonie, je voyais bien que les gagnants des autres catégories avaient déjà été mis au parfum… Je me suis dit « on nous a rien dit, on n’a pas gagné, c’est pas grave, j’ai faim ». J’étais très détendu… Jusqu’au moment où le nom du vainqueur a été révélé.. Et là j’ai eu le « sourire de l’étonné », complètement sincère ! J’ai découvert après coup que toute l’équipe était au courant, mais qu’ils m’avaient gardé la surprise. C’était assez magique. Et une façon parfaite de clore ce chapitre dans ma vie.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la troisième saison de « Munch » dont vous allez également reprendre la direction ?

C’est une autre chaîne, un autre genre (le judiciaire), une autre blonde… Tout est différent ! C’est un sacré défi. Je suis en train de terminer l’écriture et le tournage a commencé ce 6 mai. Je ne veux rien spoiler, mais ce que je peux dire c’est qu’on fait un peu évoluer la série, en créant un nouveau personnage d’avocate, incarné par Marilou Berry, et en sortant un peu des histoires classiques de meurtre pour aborder des thèmes de société forts. Avec toujours autant de comédie, bien sûr !

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Marc KRESSMANN